47.
Il portait Jennie dans ses bras ! Comment était-ce possible ? J’avais l’impression de rêver et, malheureusement, la scène était bien réelle. Catastrophe…
Will Shepherd, le footballeur qui avait essayé de me draguer à la soirée des Trevelyan, à Londres, se trouvait à ma porte, ma fille dans les bras ! Pas d’erreur, c’était bien lui.
Impossible d’oublier ces longs cheveux blonds, ce visage et quelques autres détails.
Le vigile venait de m’appeler de la grille pour m’apprendre que ma fille s’était fait mal et que quelqu’un des environs l’avait prise en charge. Quand je découvris de qui il s’agissait, je crus avoir une attaque.
C’était du délire.
Sans m’enquérir de la santé de Jennie qui, en survêtement, les jambes ballantes, semblait beaucoup trop à l’aise, j’ordonnai d’une voix forte :
— Posez-la ! Posez Jennie, s’il vous plaît !
— Où ça, madame ? s’enquit Will Shepherd calmement, posément.
Pour lui, apparemment, Jennie ne pesait pas plus lourd qu’un oreiller.
— Là, sur le canapé du salon, ce sera parfait. Posez-la, s’il vous plaît !
Il me regarda d’un air perplexe, ce qui me laissait le temps de me ressaisir.
— Elle s’est blessée. J’ai failli la renverser. Heureusement, elle a fait un bond de côté et elle s’est seulement tordu la cheville. Ça s’est passé juste devant chez les Lawrence, là où j’habite en ce moment. Je sortais, je ne l’ai pas vue.
— C’est très aimable à vous de l’avoir ramenée, parvins-je à lui dire d’une voix sans timbre. Je vous remercie. Maintenant, soyez gentil, laissez-nous. Merci tout de même, et c’est sincère.
Jennie, sur le canapé, se redressa.
— Tu pourrais au moins lui proposer une tasse de café, ou quelque chose…
— Je pense que M. Shepherd nous a déjà suffisamment aidées et qu’il a autre chose à faire.
— Vous connaissez mon nom ? questionna-t-il en prenant un air encore plus désemparé.
Salaud…
— On s’est déjà rencontrés, lui fis-je, laconique.
Il parut surpris.
— Ah bon ? Où donc ? Je ne vais jamais dans les coulisses, mais je vous ai déjà écoutée chanter. C’était à l’Albert Hall. La reine d’Angleterre était là.
— Non, pas à un concert, à une soirée.
— Si c’est le cas, je ne m’en souviens pas et, si je vous avais rencontrée, je m’en souviendrais. J’en suis absolument certain. (Il se pencha pour examiner la cheville de Jennie.)
Rien de cassé, apparemment. Des os, j’en ai brisé suffisamment pour acquérir une certaine autorité dans ce domaine.
Cela dit, vous devriez tout de même appeler un médecin.
— C’est ce que je vais faire dès que vous serez parti.
Merci pour le conseil.
Will se leva doucement.
— Heureux d’avoir fait ta connaissance, Jennie. J’espère que tu te remettras vite.
Il se tourna vers la porte.
— Au revoir, monsieur Shepherd, lança Jennie.
À cet instant, je me demandai si elle n’avait pas manigancé quelque chose. Il lui était déjà arrivé, avec des copines, de pratiquer la chasse aux rock stars. Alors pourquoi pas un footballeur vedette ?
— Je ne veux plus que tu lui adresses la parole, lui dis-je une fois qu’il eut refermé la porte.
Elle me dévisagea, les joues en feu. Jamais je ne l’avais vue furieuse à ce point. Puis elle s’écria :
— Comment as-tu pu agir ainsi ? Maman, c’est pas vrai !
Elle sauta du canapé, poussa un petit cri et s’effondra.
Oui elle s’était réellement blessée et Will Shepherd avait peut-être bien fait de la ramener à la maison. Cette fois-ci, peut-être m’étais-je trompée à son sujet.